1.5.06

L'Internationale du nawak : je pouvais pas rater ça !

Je ne suis pas schyzophrène (moi non plus !), mais parfois la question se pose. Etant plutôt capitaliste libéral dans l’âme et dans les faits (je fais tout de même bosser des tunisiens parce qu’ils coûtent 12 fois moins chers que mes commerciaux français en ne rapportant que 3 fois moins), ayant par ailleurs ma carte du PS (ça, c’est pour trouver un logement sympa), voilatipa qu’aujourd’hui je me suis mis à défiler avec le cortège des Anarchistes ! ! Ma période punk remontant pourtant à plus de 10 ans en arrière (waow, bientôt 15, même !), si je veux justifier ceci, il me faudra identifier le facteur de ‘sursomption’ (l’Aufhebung hégelienne) me permettant de résoudre toutes ces incohérences…Et si ces incohérences n’étaient justement qu’apparentes ? Mon anarchie à moi [ici j’entends justement ne pas discréditer ceux qui ont de vrais idéaux…] aura justement consisté à envoyer balader mes (rares) idées, mes (dévorantes) ambitions, mes (minables) réflexes. Oh ! Je n’ai pas fait grand-chose. Rien de plus que de tendre à peine de nouveau l’oreille… à ceux dont le combat n’est pas forcément toujours aussi pris au sérieux qu’il le devrait. Je n'ai pas fait grand chose, si ce n'est réécouter la mise en question, ou encore sentir battre en soi, pour quelques minutes, l'énergie de la contestation. Je ne suis donc pas ici en train de dire que tous les combats menés sont les bons, qu'ils aboutiront ou même devraient aboutir. Il y a au moins autant à laisser qu'à prendre, si ce n'est plus. Mais il n'est peut-être pas inutile de temps à autre que de laisser une chance, dans nos vies mécaniquement réglées, à un discours révolté. On ne tombe selon moi dans la connerie que lorsqu'on oublie que ceci ne doit mener qu'à une énergie de contestation, et qu'on procède (perdant par là-même l'objectif de la quête) à l'érection de nouveaux dogmes et d'une idéologie destinée à sceller le tout.
Bref, me voici donc descendant la rue de Belleville, en direction de Faubourg du Temple (les beaux quartiers, quoi). Je me dis que c'est le Traitror qui aurait pu être heureux, en entendant cette virile version intégrale de l'Internationale [fais kiffer tes oreilles ici]. Le Parisien Libertaire est injoignable ; je l'imagine en tête du cortège... mais ne le trouverai finalement pas. Tant pis. La techno hardcore est bonne et je suis en train de me refaire une jeunesse. Pollux est calme, attentive et décontractée. Je suis après tout encore dans mon élément : j'étais justement sorti habillé de noir. Ca tombe bien. Là-dessus, il ne me reste plus qu'à ébouriffer mes cheveux et on ne croirait plus que je suis négrier. Quel chaméléon ce Watoo ; c'en est presque honteux. On se prêterait presque à inviter nous aussi les gens qui nous regardent de leur fenêtre. C'est vrai quoi, qu'est-ce qu'ils foutent enfermés à regarder la télé ? Cela fait une demi-heure que je marche et j'ai déjà oublié que lorsque je suis devant mon ordinateur le monde peut s'écrouler autour de moi sans que je ne bouge... moi non plus. Pourtant, là je suis dedans. C'est con, non ? Je n'en accepte pas pour autant toutes les critiques du Medef (devenu merdef pour l'occasion) mais heureusement, un anarchiste qui défile n'argumente pas trop. Il est avant tout là pour boire (au pire, fumer). D'ailleurs c'est plutôt une fête qu'autre chose cette manif. J'oubliais qu'on est le 1er mai et que c'est bien une fête... avant d'être une manif. Aujourd'hui, on est là pour créer du lien, pour mobiliser ceux qui devront venir aux prochaines manifs, justement.
On se rapproche de Répu. Evidemment, ça sent le bordel : de nombreux cortèges se rassemblent (tout en s'ignorant d'ailleurs), il y en pour toutes les causes. Le 1er mai, nouvelle fête à neuneu ?
La CNT tournait à la binouze ? La LCR fait péter le Mojito ! Le comité organisateur iranien (de quoi, on sait pas) s'auto-congratule. Les femmes tamoules de Drancy ont visiblement moins de raisons de faire la fête... Des turques célèbrent le Communisme, n'hésitant pas à afficher la tronche à Mao et Staline (non là les gars y'a des limites ! Allez, je ne mets que la brochette des 4, tant pis pour le chinois)

Tout ça se dissout gentiment dans le n'importe quoi.
Il est temps pour nous aussi d'aller bouffer.
Nous culpabilisons à l'idée d'entrer chez Mc Do... du coup on cède pour son cousin : Buffalo Grill. Un petit vent de rationalisation finit de nous convaincre : eh oui, chez Buffalo, les serveurs sont habillés en rouge et noir... Sont-ils tous adhérents à la fédé anarchiste pour autant ? Sont-ils tous syndiqués ? On en doute. Mais est-ce un meilleur choix de se faire arnaquer en payant 5 euros son Döner Kebap à un enfoiré qui fait bosser un truc ou un tamoule ? Ils sont pourtant tous là, sur la place, comme toujours. Ces mecs se payent des Mercedes tous les ans à coup de vente de merguez dans les manifs communistes. Bref, un pauvre tour chez Buffalo (après tout, on y va que quand on n'a plus d'autre choix, c'est-à-dire jamais) et lorsqu'on en sort, la mairie lance ses équipes à l'assaut de la propreté parisienne. Un bon coup de nettoyage et on n'en parle plus !En conclusion
Avoir fait cette manif aura été comme notre B.A. de l'année (on se sera joint 2 heures dans l'année à la Resistanz), et surtout, ça nous aura coûté moins cher qu'une séance de psychothérapie ! On aura bien déculpabilisé, et on aura bien rechargé les batteries de notre dedain quotidien. On va donc pouvoir s'y remettre en force (au dédain des pauvres, pas à la manif ! Tu suis ou quoi ?). Eh ! Ca peut pas être 1er mai tous les jours.